Thème

Quel est le mal mystérieux qui a poussé les enfants du village à  s’enfuir des maisons pour disparaître sous les arbres ?
Après des années de silence, une petite voix vient s’embusquer à  la lisière… qui va libérer chacun de l’enchantement, de la malédiction. Les faire entrer dans la forêt.


Extrait :

SIMON :
« Rien qu’à  vous voir, on sent qu’elle vous tient, la forêt. Elle vous a pris la tête.
Attention ! On apprend ça, ici : la forêt, ça se traverse, ça se parcoure, mais il ne faut pas s’y attarder. Surtout pas y dormir ! Et si l’on doit s’arrêter, avant de s’asseoir, toujours cogner dans les coins sombres. Toujours muni d’un bâton.
Tandis que vous, vous y rentrez sans méfiance, c’est si facile de vous percer. Les odeurs, les craquements, la pénombre : elle vous raconte ce qu’elle veut, la forêt, et aussitôt, vous y croyez. Mais ce que vous ne savez pas, c’est comment elle vous attrape, peu à  peu, elle vous déforme. Au point d’entrer dans vos rêves, et puis bientôt dans vos visions.
C’est pour ça qu’on avait les chiens. Pas seulement pour chasser. Des bêtes dressees marchant à  notre pas pour se sentir bien homme.

Le jour où mon chien est mort, je me souviens, les oiseaux tombaient de partout.
C’était un mois avant le pire. Mais on ne savait pas encore que le malheur marchait vers nous.
Des oiseaux. Tout un nuage, une migration.
ça faisait comme une pluie de pierres tendres.
à peine ils touchaient le sol, l’aile cassait avec un craquement de brindille. Les plumes s’envolaient aussitôt.
C’était presque beau.
Devant mes pieds, je voyais les becs fins se planter dans la terre. Et les cous se rompaient. Des petits cous tordus, comme des anses de porcelaine.
Pourquoi tous les oiseaux tombaient-ils du ciel ce jour-là  ?
Je crois que je ne l’ai jamais su.
Je me souviens seulement que j’enterrai mon chien et il me semble aujourd’hui que tout s’est déréglé ensuite.
J’étais seul dehors, sous cette pluie d’oiseaux. Tout le monde était entré pour s’abriter dans les maisons.
Et ce bruit, ce bruit de première fois.
Ce que l’oreille n’avait jamais connu et qu’elle n’oubliera plus jamais ensuite.

Je me souviens, ce petit froissement d’abord quand l’oiseau touchait terre, comme une tendresse, le craquement juste après.
Et les plumes de toutes les couleurs, collées sur mon visage, partout. Et même le long des troncs. »

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